Il en va de l’atelier d’écriture comme de toute autre œuvre, qu’elle soit écrite, peinte, composée. On peut l’admirer ou la rejeter, la juger ou la commenter, mais on ne la comprend véritablement qu’à partir des incursions que l’on fait dans ce qui en constitue la partie invisible, à savoir le travail de création, doublé du travail d’invention et animation.
Or l’atelier est à la fois une œuvre et une rencontre. Cette rencontre est une aventure de la pensée. (…)
Pendant de nombreuses années, nous avons contribué avec bien d’autres, dans l’Éducation Nouvelle et ailleurs, au développement des ateliers d’écriture. Nous avons multiplié les inventions, les animations et développé, au fil des stages, ce qui est finalement devenu un laboratoire de recherche et d’expérimentation doublé d’un ensemble constitué de pratiques ou d’outils. Au nom de l’urgence et d’un certain pragmatisme, nous nous sommes longtemps contentés de publier le déroulement de ce que nous inventions, le bout à bout des consignes. (…)
Voici pourquoi, tentant de mettre en patrimoine et de reconnaître notre travail, nous avons cherché à dire comment un jour émerge dans la tête d’une personne « quelque chose nommé projet d’atelier ». Dire en quoi consiste cette projection, essentiellement invisible, par laquelle l’intuition initiale se métamorphose en pistes et en consignes. Dire comment s’opère le passage vers les autres et l’animation et comment se nouent entre participants et animateurs le dialogue d’activité à activité qui rend l’atelier possible…
La pertinence d’un atelier d’écriture, sa qualité, se mesurent au bout du compte à sa capacité à rencontrer une demande sociale. Non à y répondre (comme si l’on voulait apaiser telle ou telle question !) mais à permettre une mise en travail des sujets, « le public », souvent réunis dans des collectifs pour lesquels l’atelier d’écriture n’est qu’un moment. Collectifs de bénévoles associatifs qui agissent contre l’illettrisme et l’analphabétisme dans les centres sociaux et les Maisons de Quartier ; groupes d’instituteurs et de professeurs qui pensent qu’enseigner et éduquer c’est prendre appui les idées de paix et de coopération (…) ; équipes de formateurs qui inventent des situations pédagogiques émancipatrices dans lesquelles l’écriture tient une place centrale ; cadres du service public qui décident que le défi de l’écriture-lecture est un axe majeur du développement de la citoyenneté dans la ville et dans le travail (..)
Les uns et les autres deviennent tôt ou tard porteurs de l’idée qu’une entrée différente dans le monde de l’écrit est possible, que l’écriture peut être, non seulement apprivoisée, mais partagée de mille et une manières. Ce faisant ils inventent, ils créent, ils démultiplient le besoin de créer, donnant de la création une image renouvelée.
» Personne n’éduque autrui. Personne ne s’éduque seul. Les hommes s’éduquent ensemble au contact du monde », dit Paolo Freire. Et si la langue et l’imaginaire étaient le matériau, et si l’écriture était une des expériences majeures grâce à quoi cet « apprendre ensemble au contact du monde » nous rend humains et ouvre l’avenir ?
Le sommaire
Cinq moments pour un parcours
Préface
Revivre en atelier l’aventure humaine de l’écriture.
(Préface de Michèle Monte)
Introduction
L’Éducation Nouvelle, une utopie féconde, une filiation précieuse – Écrire, résister – Cinq moments pour un parcours.
Première partie :
L’entrée en écriture
La question de « l’entrée en écriture » fait l’objet de la première partie de notre ouvrage. A travers trois ateliers, en relation tour à tour avec Kafka, Aragon et la problématique anthropologique du don, nous évoquerons quelques outils pour dépasser la peur de la page blanche et entreprendre de produire. Nous insisterons sur l’apport des écrits et témoignages d’auteurs. Non pour en faire des modèles mais pour inventer à partir de leur travail des consignes inattendues et permettre à tous de découvrir des usages, des manières de faire, des conceptions de l’écriture susceptibles de dénouer les appréhensions initiales et d’aboutir à de premières productions. Elle sera aussi l’occasion d’une réflexion sur l’image de soi et l’image de l’autre en situation de création dans le cadre d’un collectif.
Le « tous capables »
Atelier « Le don et ce qui s’ensuit »
Une phrase cadeau – L’écriture en rubriques est une broderie – L’écriture comme production d’un monologue intérieur – La rencontre dans un espace à l’abri du jugement – Comment naît un atelier d’écriture ?
Atelier « Dans l’univers de Franz Kafka »
Aux origines de l’atelier – Le dispositif de l’atelier – Prague – Dedans ou dehors Des idées ou des mots ? – Dans l’entre-deux d’un texte déjà existant – Écrire dans le texte d’un autre – Variante d’une même problématique –
Le siècle de Kafka » – L’exposition.
Atelier « Le mentir-vrai » Écrire dans les parages de Louis Aragon
Lettre à une amie enseignante – La mise en place de l’écriture.
Contrepoint : Quelques réflexions brèves sur le rapport aux auteurs
Deuxième partie :
Nommer, normer, faire exister
Dans une deuxième étape, la réflexion portera sur le rapport des sujets à la langue lorsqu’ils entreprennent d’écrire. Trois ateliers, dans les parages de Michaux, Queneau et de l’écriture poétique y sont narrés. Mesurer quelle relation les sujets écrivants entretiennent avec la nomination, avec les idées de norme et de lisibilité, avec les notions d’économie et de profusion, le faire par le dialogue invisible avec des auteurs, voilà l’enjeu. Trois ateliers avec lesquels nous entrons dans un monde où l’écriture et les pratiques de créations visent à ouvrir des espaces de conceptualisation mêlant intimement rigueur et imaginaire, faire et analyse du faire.
Atelier « Dans les parages d’Henri Michaux »
Nommer – Témoigner- Tranches de savoirs – Lettre à Henri Michaux – De coup de force en coup de force – Et après ?
Atelier « »Ilécricomiparl’
Un atelier en hommage à Raymond Queneau
La pendule – Fréquenter le patrimoine – Travailler son rapport à la norme – Le langage cuit – « Courir les rues » – La réécriture – Pourquoi Raymond Queneau ? -« Tout homme veut être sujet de ses normes » (Georges Canguilhem) – La biographie.
Atelier « Au rendez-vous des contraires » ou « Comment écrire la philosophie ? »
A quelques amis philosophes, à ceux pour qui écrire en philosophie est une question – On n’écrit pas avec des idées mais avec des mots d’abord – Écrire dans l’entre-deux – Écrire autour d’une problématique – L’écriture, une forme de la pensée – « Comment j’ai écrit certains de mes livres » – Les mots de passe – retour chez les philosophes.
Contrepoint : L’amour des mots
Dix attitudes d’Éducation Nouvelle
Troisième partie :
« Fragments & Dispositif »
Nous explorons ici différentes facettes de l’imaginaire du voyage. Le voyage est un thème récurrent de la littérature, pour lequel existe une vaste bibliothèque de textes, de souvenirs, d’images mentales. Les récits de voyage constituent un genre sur lequel il est possible de prendre appui pour produire. De J.Cortazar et ses Autonautes de la cosmoroute à Sindbad le marin et aux Ecrivains marcheurs, nous entrerons dans les arcanes de l’écriture fragmentaire, des dispositifs d’assemblage de fragments, des grandes structures narratives dont la connaissance sont des aides essentielles pour produire, pour lire et écrire. Mais le voyage est aussi une possible métaphore pour signifier l’acte même d’écrire. L’épreuve du voyage est semblable à celle d’un apprentissage au sens que lui donne le roman d’apprentissage : par quelles étapes passe-t-on, quelles difficultés surmonte-t-on, quels liens tisse-t-on ?
Fragments / dispositif, une remontée vers les origines
En classe de BEP à Marseille
Au GFEN Séminaire de Castillon-en-Couserans
Petite théorie du dispositif
Atelier « »Actes de voyage » sur les pas de Julio Cortázar et Carol Dunlop
Le manque et la préparation – La qualification – L’autoroute -En descendant vers Marseille – L’arrivée sur le Vieux Port.
Atelier « Les écrivains marcheurs »
Les préparatifs – La marche, la promenade – Au retour.
Atelier « Le huitième voyage de Sindbad le marin » – Un projet d’écriture collective
Écrire en collectif, à quelles conditions ? – Un concours d’écriture longue – A la recherche de l’écriture des Mille et une nuits – La cartographie – Fiction et narration – L’atelier plaquette.
Contrepoint : Qualité des productions ou qualité de la réflexion ?
La notion d’analyse réflexive.
Quatrième partie :
Les accumulations, la prolifération, la complexité
Les notions de prolifération textuelle et d’accumulation sont au cœur de la quatrième section de l’ouvrage. Bien des auteurs contemporains (nous prendrons appui sur Perec, Simenon, mais beaucoup d’autres auraient été envisageables) ont définitivement ébranlé notre rapport au texte et à l’écriture, notre conception d’une production à la fois finie et infinie. Ces auteurs seront nos éclaireurs pour une recherche sur l’écriture à venir, sur l’écriture comme travail et comme construction de la pensée dans un monde obsédé par les accumulations et la marchandise. L’hypertexte, qui fait l’objet du dernier atelier de cette quatrième série, est l’un des avatars les plus récents d’une possible mutation de l’écriture. La production d’un conte hypertextuel nous permettra d’explorer une nouvelle conception du texte appuyée sur les technologies de l’information et de la communication, en écho avec la rupture culturelle et cognitive qu’annoncent le web et sa bibliothèque en constante expansion. La rupture naît ici de la complexification du réseau des écrits et de la perte des limites matérielles de l’écrit pris entre réel et virtuel.
Profusion et confusion – Vers un nouveau statut de l’écrit ? Notre utopie (suite) – Des antagonismes qui s’aiguisent – Quelles limites et quelle fin ?
Atelier « Leurs vies, mode d’emploi »
Un atelier dans les parages de Georges Perec
Petits travaux d’abords faciles – Le « polyclone ouvert » – « Je suis les liens que je tisse » – Le projet comme art de vivre –
La fin de l’atelier, acmé et reflux.
Georges Simenon ou les moteurs de l’écriture
On a tous un Simenon dans la tête – La métaphore de la porte -« Les rituels » – Travail prescrit, travail réel – « C’est toi qui aurais dû mourir à sa place » -Secrets d’alcôve – L’hypothèse – Production et récolte d’indices – Le moment du récit.
Atelier « Le conte hypertexte »
Un début d’atelier « tout ce qu’il y a de classique » – La bifurcation hypertextuelle – Quelle analyse réflexive ? Du linéaire au tabulaire – Le sens de l’innovation – Une exploration qui n’en finit pas.
Contrepoint : Corriger, réécrire ou relancer ?
Correction, réécriture ou relance ? – Qu’est-ce que relancer ? -Le carnet de formation.
Cinquième partie :
« S’inscrire dans le temps humain »
La cinquième et dernière étape de notre parcours aura pour objet une réflexion à propos du lien entre création, histoire et transmission. Trois ateliers encore, de Proust à Hiroshima, en passant par la « Rencontre des deux mondes » de 1492, pour étayer l’idée qu’écrire c’est aussi entreprendre de penser autrement le temps humain, tenter de mettre en relation hier et demain, l’héritage et l’à venir, et ainsi prendre place dans la filiation. Ecrire pour témoigner, pour ne pas oublier, pour donner à la relation humaine l’épaisseur de la mémoire et du retravail du patrimoine. Ecrire pour pratiquer un dialogue actif entre les époques, entre les cultures.
Atelier « Lectures du temps »
Un atelier dans les parages de Marcel Proust
Où l’on ouvre le dossier brûlant du temps. – Où l’on repère différentes strates de temps – Où l’on écrit entre recto et verso. – Où l’on renoue avec ses lectures d’enfance – Où l’on s’exerce à la position de critique d’art. – Où l’on prépare l’exposition des « vitrines de la mémoire. » – Où l’on rassemble bandelettes et paperolles – Où tout se termine par un moment d’analyse. -Post-scriptum.
Atelier 1492 ou
« Ce que dit la langue de la rencontre des deux mondes »
Levée d’images – La chronologie – L’espace-temps de l’amiral -La mise en chantier du rêve – Dans les interstices de l’Histoire.
Atelier » Hiroshima »
ou « Comment s’écrit l’Histoire ? »
D’accord ou pas… nous sommes inscrits dans l’histoire. Elle nous assigne une place – « Le fait n’est rien sans son intrigue » (Paul Veyne) – Lectures croisées – « Écrire pour agir ».
Bibliographie
Liste des ouvrages cités – Autres livres sur les ateliers d’écriture, récents ou plus anciens -L’écriture dans le prisme de l’Éducation nouvelle – Pour en savoir plus sur l’Éducation Nouvelle.
Deux recensions
« Animer un atelier d’écriture
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« Animer un atelier d’écriture
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